Jésus a-t-il vraiment existé ?

Depuis le XIXème siècle, a commencé une entreprise qui était jusque-là inimaginable. Celle de considérer la Bible comme un mélange de vérité et de mensonge, comme un noyau de faits réels enrobé d’une épaisse couche de mythes. La démarche était claire : il fallait avoir une attitude critique face à ces récits anciens et ne pas hésiter à remettre en question l’existence des personnages relatés. (s’il n’y avait pas d’autres preuves archéologiques ou extra-bibliques dans d’autres documents anciens). Aujourd’hui, des personnalités médiatiques suivent la même voie en prétendant, livres ou émissions télé à l’appui, que le Jésus biblique n’est en fait qu’une construction intellectuelle élaborée par des disciples déçus de la mort d’un maître beaucoup trop banal. Il y a le vrai Jésus et le Jésus mythique qu’il convient de tuer une bonne fois pour toutes !

Alors, Jésus n’est-il qu’un mythe ou bien un maître (comme il a prétendu l’être) ? Cette alternative est conforme à ce qu’on lit dans les évangiles : soit on adore Jésus (dans le sens plein du terme) soit on le déteste. Il n’y a pas de juste milieu possible tant ses actes et surtout ses affirmations sont dérangeants et scandaleux.

Argument d’autorité

La première chose qu’on peut affirmer c’est que plus aucun historien sérieux ne remet en cause l’existence de Jésus. Il y en a même un qui a récemment très fortement bousculé une star de l’athéisme qui prétendait le contraire. Voici ce que dit Jean-Marie Salamito, professeur spécialisé dans le christianisme ancien à La Sorbonne et auteur de « Monsieur Onfray au pays des mythes ». (Salvator, mai 2017), à propos du récent livre de Michel Onfray « Décadence » (Flammarion 2017) :

« Le Jésus de Michel Onfray est tellement fantasmé – vu à travers des écrits apocryphes, des œuvres d’art très postérieures à l’époque de sa prédication… – qu’on a l’impression que tout a été retenu sauf, précisément, ce qui permet d’avoir des informations exploitables du point de vue de l’historien. C’est très curieux : cela consiste à prendre les sources les moins fiables ou ce qui n’a même pas le statut de source pour dire : « Voilà, il y a toute cette élaboration fictive autour de Jésus, donc Jésus n’existe pas. » Or des sources fiables existent bien, même si elles doivent être interprétées selon des méthodes scientifiques éprouvées. »

Cette polémique montre donc qu’il faut fortement se méfier des affirmations très orientées de non spécialistes…

Les sources

Les premières sources pour connaître Jésus sont bien sûr les écrits du Nouveau Testament (2nde partie de la Bible). Il faut donc les lire et se poser des questions simples : sommes-nous face à un style « contes et légendes » ou à un récit de témoins oculaires ? Ce qui est raconté est-il crédible ? Les enseignements s’ancrent-ils dans la réalité ?

Mais il faut surtout se demander s’ils sont fiables ! Plusieurs arguments vont dans ce sens :

QNous possédons des milliers de manuscrits du Nouveau Testament

Le plus ancien fragment d’un évangile date de 130 de notre ère et le plus ancien Nouveau Testament complet date du IVème siècle de notre ère avec bien sûr des compilations plus partielles entre ces deux périodes.

Vous êtes déçus qu’on n’ait pas les originaux ? Mais on ne les a pour aucune œuvre antique ! Vous pensez que ces manuscrits sont trop éloignés de l’époque de Jésus ? Vous savez combien de siècles séparent le plus ancien manuscrit de la Guerre des gaules de Jules César en notre possession des événements qu’il relate ? Il y a 10 siècles soit 1000 ans et il n’y en a que 9 autres copies ! Pourtant les historiens prennent ce document comme une vraie source historique. L’avantage d’avoir ces milliers de manuscrits du Nouveau Testament (NT), c’est qu’on peut les comparer pour y voir les erreurs ou les ajouts tardifs. Sir Frederic G. Kenyon, l’ancien directeur et bibliothécaire en chef du British Museum en conclut que : « Leur nombre mis à part, les manuscrits du NT différent de ceux des auteurs classiques… Dans aucun autre cas, le laps de temps écoulé entre la composition (rédaction) du livre et la date des premiers manuscrits existants n’est aussi court que dans celui du Nouveau Testament. »

Deux indices internes au Nouveau testament plaident pour une courte distance entre les faits et la rédaction :

1) il n’y a aucune mention de la destruction de Jérusalem en 70 de notre ère. Or, Jésus l’avait prophétisée et il aurait été vraiment idéal de mentionner cette preuve de l’identité divine de Jésus si elle s’était produite avant l’écriture des évangiles ou des lettres des apôtres.

2) Le livre des Actes des apôtres (qui raconte la vie de l’Église juste près l’ascension de Jésus) se termine brutalement avec Paul en prison, attendant son jugement. Une explication plausible est que Luc ait écrit Actes à ce moment-là, avant que Paul ne comparaisse finalement devant Néron au début des années 60 de notre ère.

Des Père de l’église qui s’adressent à des églises entre 95 et 120 après JC

Les premiers responsables chrétiens après la mort des apôtres (appelés pères de l’Église) ont écrit des lettres pour encourager les différentes Églises méditerranéennes entre 95 et 120 de notre ère. Dans ces écrits, ils font explicitement référence à une écrasante majorité des livres du Nouveau Testament. Cela montre qu’un corpus de livres reconnus comme émanant d’apôtres était déjà constitué fin 1er-début 2ème siècle de notre ère dans des villes éparpillées autour de la Méditerranée.

Des auteurs non chrétiens ont écrit sur Jésus

Quatre célèbres auteurs anciens, non chrétiens et parfois antagonistes du christianisme, ont écrit sur Jésus, quelques années seulement après sa mort.

  • Suétone, né 40 ans après la mort du Christ. Dans son fameux ‘Vies des douze césars’ il raconte que l’empereur Claude a expulsé de Rome des juifs qui se soulevaient à cause d’un certain Chrestus. Cet événement daté de 49 de notre ère est rapporté dans le Livre des Actes des apôtres (chapitre 18 verset 2).
  • Pline le Jeune, né 30 ans après la mort du Christ, écrivit une lettre à l’empereur Trajan dans laquelle il décrit les pratiques de la première Église (les cultes le dimanche et leur contenu, la confession de foi lors des baptêmes, le repas de la Cène) ainsi que la diversité des personnes (âges, sexes, conditions sociales) qui la composent. Cela aussi atteste les récits du NT.
  • Tacite, né 25 ans après la mort de Jésus, dont les Annales sont l’une des sources les plus importantes sur la vie de l’Empire de son temps. Il décrit la manière dont Néron a massacré les chrétiens après l’incendie qui dévasta Rome plusieurs jours en juillet 64. « Ce nom leur vient de Christ que, sous le principat de Tibère, le procurateur Ponce Pilate avait livré au supplice: réprimée sur le moment, cette exécrable superstition faisait de nouveau irruption, non seulement en Judée, berceau du mal, mais encore à Rome. »
  • Flavius Joseph, né quelques années après la mort du Christ, était l’historien juif officiel auprès du gouvernement romain. Il déclare que les disciples de Jésus l’appelaient « fils de Dieu ». Qu’il était réputé pour ses miracles extraordinaires, qu’il séduisait aussi bien les juifs que les non-juifs. Qu’il fut crucifié par Ponce-Pilate et que ses disciples le déclarèrent ressuscité 3 jours plus tard.

Le témoignage de ces auteurs ne démontre pas que les récits du Nouveau Testament sont vrais (d’ailleurs ils n’y croyaient sans doute pas eux-mêmes !) mais qu’ils étaient déjà connus bien avant la rédaction des copies en notre possession.

Des noms spécifiques à cette époque et cette région

Des chercheurs ont établi que les noms figurants dans les évangiles concordent avec ceux qui étaient les plus portés à cette époque en Palestine… Alors même que les évangiles ont été écrits hors de Palestine et plusieurs années après ! Comment les auteurs ont-ils fait pour les deviner s’ils ont tout inventé ?

Ces quelques arguments sur les sources constituent un faisceau d’indices qui nous assure d’une chose (au moins). Le Nouveau Testament n’est pas déconnecté de son époque, on a bien affaire à des récits ayant eu lieu au 1er siècle de notre ère.

Le trilemme de Chesterton

Une fois que l’on a établi l’existence de Jésus et qu’on accepte l’intérêt historique de la Bible, il nous reste à savoir qui il peut bien être. Beaucoup ont dit que Jésus avait bien existé mais qu’il n’était pas ce qu’on a prétendu plus tard : un grand sage déifié par ses disciples, un fou qui se prenait pour Dieu, le fondateur d’une secte qui a réussi ?

Pour répondre à ces croyances, G.K. Chesterton a énoncé un trilemme (=choix entre 3 propositions) qui aide à se positionner logiquement à propos de l’identité de Jésus.

Sa démarche commence en disant qu’il n’est pas possible que Jésus soit un sage car il prétendait être Dieu ! Un sage ne fait pas ça. Il n’y a que 3 types de personnes qui peuvent prétendre être Dieu : les fous, les escrocs et Dieu lui-même.

Un fou ?

C’est très peu probable, un fou peut attirer, fasciner pas mal de monde mais pas inquiéter le pouvoir en place. Jésus était assez crédible pour que les responsables juifs pensent que tout leur système religieux était menacé et il paraissait assez sérieux pour que la haute autorité romaine ne trouve rien pour l’accuser.

Arnaqueur ?

Le but d’un escroc, c’est d’être assez séduisant pour obtenir de l’argent ou du pouvoir… Mais ici cela n’a rien rapporté à personne puisque tout le monde a subi une mort violente ! Dans un contexte juif, dire que Jésus est le fils de Dieu était la pire stratégie possible puisque c’était un sacrilège insupportable. Si l’on dit qu’il y a escroquerie, il faut donc conclure que Jésus et ses apôtres étaient les plus mauvais manipulateurs du monde !

Pourtant, qu’on le voit comme un révolutionnaire, un idéaliste ou un mystique déifié par ses disciples, la plupart des gens considèrent Jésus comme quelqu’un de bien ! Pas comme un fou ou un menteur. Si donc il n’est ni un fou ni un manipulateur ni un simple sage, le plus probable c’est donc que Jésus était ce qu’il a prétendu être : le Fils de Dieu.

Conclusion

Finalement le nœud du problème n’a rien à voir avec la science historique mais plutôt avec le refus des miracles, d’une réalité supra-naturelle. On entre alors dans le monde des présupposés philosophiques : on ne croit pas aux faits parce qu’ils sont vrais ou faux mais parce qu’ils confortent ou dérangent nos convictions. C’est toute l’histoire de Jésus : il a remis en cause les pratiques et croyances de son époque et on l’a tué à cause de ça. 2000 ans après, on poursuit cette démarche… mais ça ne fonctionne toujours pas !

L'auteur: Yohann Tourne

L'auteur: Yohann Tourne

Secrétaire général des GBU (Groupes Bibliques Universitaires) depuis 2021

 

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